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Virus, infections et Histoire

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Michel Revest

Ancien-Directeur Recherches & Innovation d’un groupe d’assurance

Membre du Pôle Finance Innovation

Pour une interprétation historique de la Covid 19.

L’histoire humaine a été façonnée, forgée par les épidémies, les maladies infectieuses. Toute l’humanité aurait pu être éliminée  par les virus et autres infections et l’a été en certains lieux. Les maladies infectieuses et virales sont à l’origine de la disparition de cultures  humaines et de la suprématie d’autres. Si elles sont un fléau, elles ont été une arme pour les vainqueurs de l’expansion de l’espèce sapiens sapiens, l’humanité actuelle.

La domestication d’espèces animales a mis en contact les agriculteurs sédentaires avec les virus et autres infections dont avec le temps elles ont été protégées, « vaccinées ». Les agriculteurs ont ainsi occupé les terres et éliminé la plupart des chasseurs-cueilleurs. Les colonisateurs, sans le savoir, ont bénéficié de cette arme plus efficace que leurs armes terrestres, comme ce fut le cas en Amérique des conquistadors espagnols et portugais. Pour nous, les vainqueurs, les virus des animaux n’ont pas été toujours le mal. La protection  des populations au contact de ses animaux domestiqués a été un bouclier. Les virus n’ont pas été un problème mais une des clés de la suprématie de nombre de peuples actuels.

Mais, selon un autre point d’analyse, l’humanité de siècle en siècle a été éliminée, réduite dans son temps de vie par les maladies infectieuses. La norme était de mourir jeune, car on mourrait de telles infections et ce jusqu’à des temps très proches. Personne ne prétendait  vaincre ces maladies, c’était la nature voulue par nos  dieux qui réduisait notre espérance de vie. Les maladies infectieuses, les virus,  faisaient partie du monde, de la vie normale ; l’humanité les subissait et ne pouvait pas les vaincre ; elles étaient la volonté de puissances supérieures ; les religions les faisaient accepter à des peuples résignés.

La règle pour la plupart était de mourir jeune. Ce sont les progrès de la médecine, de Pasteur, de l’hygiène, de la découverte des microbes qui ont permis de vaincre les maladies infectieuses ; on vit plus longtemps dans le monde moderne, on vit mieux parce qu’on a vaincu les maladies infectieuses et virales. L’essor du développement des sociétés et de leur économie, bien plus que la vapeur et l’électricité, présentées comme les révolutions du 19ème à l’origine des sociétés modernes,  est dû à la victoire de l’humanité sur ce qui la tuait précocement, les infections et virus. Elle lui a donné son bien le plus précieux, le temps.

La Covid nous fait revenir à nos origines ; c’est un choc ! Il y a eu des précurseurs récents, SARS, MERS, H1N1 et les grippes du 20e siècle dont la grippe dite « espagnole » qui  semblait venir de Shanghai et a été diffusée par l’intermédiaire des soldats américains en étant responsable de la disparition de 2.5 à 5 % de la population mondiale.

On retrouve notre fragilité originelle, première. On avait oublié ce qu’on était et qui était toujours présent ; la grippe espagnole a été bien pire que la Covid 19 sans que l’on en en ait conscience et pris aucune des mesures actuelles ; les effets et conséquences de la deuxième guerre mondiale ont effacé la grippe espagnole de nos mémoires qui aurait fait 175 à 300 millions de morts avec le niveau de la population mondiale actuelle. Les virus ont toujours été là, venant du même endroit, la Chine, à quelques exceptions près (Sida, Ebola). Avec toujours la même cause, la proximité des humains avec les animaux. Tous les progrès qui nous font vivre vieux semblent effacés avec la Covid qui menace précisément surtout les plus âgés d’entre nous.

Notre temps de vie redevient un temps compté ; dans notre imaginaire,  on passe de la certitude d’avoir le temps à celui de l’incertitude de ne pas en avoir suffisamment ; de la maîtrise de notre vie à celui de ne plus en être maître. Nos sociétés ont gommé ce qui avait l’ordinaire  de notre vie, fixé les limites de notre temps,  étaient les vraies contraintes de nos progrès et de notre développement, les vraies sources  d’inégalités (seuls les nantis pouvaient vivre vieux pour le plus grand nombre) : les maladies infectieuses. Nous avions en fait oublié ce qui a été toujours présent. Les barrières dont on croyait qu’elles nous protégeaient étaient bien illusoires. Cette vérité bouleverse nos sociétés dans l’actualité de la Covid 19, en attendant les autres ?

La crise de la Covid est ainsi une crise de l’espèce humaine ramenée à sa réalité.

Que peut et doit faire l’assurance ?

Doit-elle inventer de nouveaux mécanismes de solidarité financière et de nouveaux services quand les Etats ne peuvent pas tout faire et devront laisser la place aux acteurs économiques ?

Il n’y a pas de progrès sans que l’assurance offre de solutions aux risques de la société. Le risque de la Covid remonte aux temps les plus anciens de notre existence : une insécurité existentielle quand l’assurance est le fournisseur de la sécurité aux côtés des Etats qui ne peuvent pas tout assumer.

Le poids de l’assurance en France est de 4 % du PIB pour les risques et 6 % pour l’Epargne Vie : ce poids est-il appelé à s’accroître avec de nouvelles garanties et de l’invention de nouvelles utilisations de l’Epargne Vie, pour mobiliser les ressources de l’assurance dans la maîtrise des conséquences des maladies virales ?

L’assurance Santé offrira-t-elle des moyens, des services pour mieux prévenir et guérir ces infections, en se positionnant comme un acteur clé ?

Aux acteurs de l’assurance de répondre.

La réponse semble toutefois dépendre de   la perception de la crise de la Covid par les politiques et acteurs de la société.

La Covid 19 sera-t-elle une parenthèse refermée avec la vaccination ou fera-t-elle partie des nouveaux risques, avec le climat, la technologie, le numérique ?  Les risques infectieux et viraux seraient une composante de la nouvelle panoplie de risques ; une nouvelle branche de l’assurance à traiter spécifiquement, une nouvelle source de développement de l’assurance, acteur crucial de nos sociétés, qui s’enrichirait d’une nouvelle activité.

On ne peut que penser que la Covid et les autres « nouveaux risques » obligent les acteurs de l’assurance à se réinventer, ou que d’autres acteurs  prendront leur place, car l’assurance comme activité et prestataire de services, elle, ne peut disparaître.

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