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  • Identifier les irritants / Introduction de la conférence du 19 octobre 2022 par Arnaud CHNEIWEISS, Médiateur de l’Assurance

    Médiateur de l’Assurance.pngAu travers des dossiers soumis à la Médiation, on voit :

    1. La société de défiance
    • Défiance envers l’expert envoyé par l’assureur, est-il bien impartial dans son évaluation des dommages puisque missionné par l’assureur ?
    • Défiance envers l’assureur, a-t-il bien réglé ce qu’il devait ?
    • La violence dans l’expression : manifestation de la frustration, on s’énerve vite (y compris en saisissant trop vite la Médiation alors que le dialogue avec l’assureur n’est pas terminé).

    La Médiation, qui peut aussi être l’objet de cette suspicion puisque la loi prévoit qu’elle est financée par les Professionnels du secteur, joue un rôle utile pour apaiser les litiges, en droit et / ou en équité. Dans 30% des cas elle va dans le sens de l’assuré, alors que le dossier a pourtant été examiné à deux reprises par l’assureur quand il nous parvient (service gestion de sinistre et service réclamation). Même dans les 70% de cas où nous confirmons la position de l’assureur, nous jouons un rôle utile de tiers de confiance. L’assuré est informé par un tiers, gratuitement, que le contrat a été bien appliqué, la Médiation ayant accès à des éléments confidentiels montrés par l’assureur (par exemple accès à la clause bénéficiaire du contrat d’assurance vie). 

    A noter que cette défiance est parfois justifiée 

    • Quand des comportements honteux de « vente forcée » et d’escroquerie perdurent chez certains acteurs (assurances de téléphones portables) ;
    • Quand les décisions de la Cour de cassation ne conduisent pas les assureurs à modifier leurs nouveaux contrats (clauses d’exclusion floues condamnées de longue date par la plus haute juridiction du pays sur le « défaut d’entretien », « la négligence », « les règles de l’art », les « troubles psychiques » « et autres maux de dos » …). Le durcissement de la jurisprudence de la Cour de cassation en juin 2021 (quand quelques mots sont flous c’est toute la clause qui devient invalide) doit inciter les assureurs à cette révision de leurs contrats.
    • Quand certains acteurs semblent n’étudier sérieusement le dossier que lorsque la Médiation est saisie. En tenant compte des propositions de transaction amiable alors formulées, l’assuré obtient satisfaction en saisissant la Médiation dans 46% des cas.   
    1. L’incompréhension devant les règles qui doivent s’appliquer

    L’assurance est un domaine dans lequel on voit bien toutes les contradictions des réglementations : on veut protéger à la fois l’assureur (l’Autorité de supervision l’ACPR souhaite qu’il soit rentable, afin de ne pas faire faillite) et l’assuré (protection du consommateur, pratiques commerciales loyales). On veut des contrats simples à lire mais aussi détaillés sur ce qui est couvert et exclu. Si bien qu’à force de réglementations européennes et françaises visant à protéger le consommateur, on en arrive à des contrats faisant des dizaines de pages, que l’assuré ne lit pas en pratique au moment de la souscription. 

    Le débat sur les garanties pertes d’exploitation des commerçants pendant la crise sanitaire l’a bien montré : il y avait en général plusieurs documents à consulter (conditions particulières, conditions générales, avenant propre au secteur de la restauration par exemple) si bien que le jeu du mécanisme de la garantie était très compliqué à comprendre pour l’assuré…mais aussi parfois pour l’assureur ! 

    Autre difficulté : derrière le même mot se cachent des réalités différentes. On peut être reconnu « invalide » par la Sécurité Sociale mais ne pas l’être par l’assureur, car le contrat d’assurance ne couvrira que la 3eme catégorie de la Sécurité sociale, celle où l’assuré a besoin de l’assistance d’une tierce personne pour les actes de la vie quotidienne. 

    De même la définition de l’accident du travail.  

    Enfin, il y a des définitions dans les contrats qui s’éloignent du langage courant. Exemples : accident (dans le langage courant c’est quelque chose de fortuit ; dans un contrat d’assurance ce sera un événement soudain, imprévisible, non intentionnel de la part de l’assuré, provenant d’une cause extérieure - parfois directement et exclusivement - brutal…), effraction. 

    1. La complexité réglementaire

    Les strates s’accumulent sans que l’on procède à une remise à plat d’ensemble. Un bon exemple : les modalités de résiliation du contrat d’assurance. Il y a 16 modalités possibles aujourd'hui !  

    Selon que l’on est en assurance dommages ou assurance de personnes, que c’est à l’initiative de l’assuré ou de l’assureur, qu’il s’agit d’un contrat collectif ou individuel…Selon les cas il faut prévenir un mois à l’avance, deux mois, trois mois… ; par lettre recommandée ou non. La résiliation « à tout moment » a été rendu possible pour certains contrats (auto, habitation, santé) mais pas pour les autres. C’est incompréhensible pour l’assuré. 

    Avis du CCSF de mai 2022 : on avance vers la simplification par l’extension du domaine de la résiliation « à tout moment ». Ce sera mis en œuvre à compter du 1er juillet 2023. 

    1. Le manque de connaissance économique et financière des Français

    On voit aussi la méconnaissance chez les Français des mécanismes financiers et comment peut fonctionner un contrat d’assurance.  

    Exemple de type de contrats incompris : les frais d’obsèques. Ce type de contrat garantit le versement d’un capital aux personnes désignés au moment du décès de l’assuré. Si l’assuré meurt jeune, il aura peu cotisé mais l’assureur versera le capital convenu. A l’inverse, si l’assuré vit très longtemps, il va cotiser nettement plus que le capital qui sera versé aux bénéficiaires désignés pour financer les obsèques. Au total, un équilibre est trouvé. Mais dans le cas de ceux qui ont trop cotisé, c’est souvent une source d’incompréhension que le total des cotisations ne soit pas versé. 

    D’une façon générale, il faut inciter à souscrire une assurance qui protège bien en cas de sinistre, et qui forcément coûte plus cher qu’une assurance minimale. Il y a besoin de développer la pédagogie, l’éducation financière, et c’est l’une des missions de la Médiation. 

    1. L’inégalité entre ceux qui se battent pour faire valoir leurs droits et les autres

    Nous donnons raison dans 30% des cas à l’assuré, alors que le dossier a été vu deux fois par l’assureur. Ceux qui persistent, parce qu’assisté par une association de consommateur, une Protection Juridique, un avocat, ou convaincu par eux-mêmes ont raison de le faire puisque l’assuré obtient satisfaction dans presque un cas sur deux. C’est beaucoup. 

    Inégalité entre ceux qui savent se défendre et les autres. 

    1. La pertinence de soupapes de sécurité dans le système judiciaire français

    La Médiation prend position sur des sujets où le juge ne pourrait pas aller dans le sens de l’assuré : 5% des avis sont favorables à l’assuré en équité. La notion d’équité c’est « rétablir le juste ». Le contrat a été strictement appliqué par l’assureur, mais on en arrive à une situation absurde. Etant quasi systématiquement suivi par les assureurs, nous contribuons à apaiser la relation. 

    La Médiation désengorge les tribunaux, c’est pourquoi elle est encouragée par tous les Gouvernements depuis des années (loi de 2019 sur la modernisation de la Justice, qui oblige à aller vers la médiation ou une conciliation pour les petits litiges inférieurs à 5000 euros) puisque gratuite pour l’assuré, plus rapide que le système judiciaire et avec la possibilité d’avis de bon sens, en équité.

  • Assurance : les problèmes qui irritent le plus leurs clients

    irrite-450x450 (1).jpgNota méthodologique : étude réalisée par QWAM Content Intelligence à partir des avis spontanés déposés par des internautes du 2 Mai 2021 au 25 Mai 2022 sur les forums de Que choisir, Opinion assurances, Droit finances et 60 millions de consommateurs ; les verbatims recueillis ont fait l’objet d’une analyse par AI sémantique avec calcul de la tonalité pour chaque occurrence de marques, sur une échelle de -100 à +100.

    S’il ne fallait retenir qu’un seul enseignement de cette étude : ce ne sont pas les sujets qui créent l’irritation, mais leur traitement. Ainsi, pour la thématique « garanties et risques », si les cambriolages occasionnent plus de commentaires positifs – « Tout a été bien géré, bien remboursé, à recommander » – que négatifs, ces derniers demeurent malgré tout bien présents – « Après plus de deux mois d'attente du passage de l'expert et la réponse définitive de l'assurance, indemnisation 0 ».

    Le service clients se situe au cœur des attentes … et des commentaires positifs ; un service clients efficace, c’est-à-dire un accueil téléphonique très rapide et efficace : « Très bon accueil téléphonique et la personne était très compétente, c'est très rapide » ou « Très satisfaits, service rapide et efficace ».

    Par contre, un service client incompétent plombe les résultats : « Depuis 1 mois, je demande avoir des informations sur ce fameux sinistre : impossible » ou « Service client impossible à joindre, mon expérience de souscription avec cet assureur s'est très mal passée ».

    Dans leur ensemble, les courtiers apparaissent bien notés, même si le score de la profession souffre de la présence de certains affinitaires : le terme « arnaque » fait son apparition dans les commentaires : « J'achète un téléphone […] il glisse, dévale les escaliers ! Je reçois une réponse négative me disant que l'accident n'est pas lié à une cause extérieure ! ».

    Cependant la tonalité des publications ne dépend pas que du traitement des demandes par les assureurs … mais de la personnalité des assurés : ainsi les clients des mutuelles se révèlent souvent plus critiques à l’égard de leur assureur que ceux des courtiers ou des assureurs privés.

    Les plus frondeurs ? Les CSP+, comme les professionnels de santé assurés à la MACSF : « J'ai demandé le 3 Mars de faire un rachat partiel de 7000 Euros pour payer des travaux. A ce jour, soit une semaine après ma demande, la somme n'a toujours pas été versée sur mon compte et on me dit qu'il faut 10 jours pour effectuer cette opération ! ».

    Enfin, on notera que la puissance des critiques dépend également de l’urgence des situations, les spécialistes de l’assistance en faisant souvent les frais.

    Et les Insurtechs ? Un filtre éliminant les sociétés avec moins de 20 occurrences, pour d’évidentes raisons de fiabilité des résultats, seule Luko est apparue dans l’étude, avec des avis positifs, notamment quant à la facilité de contact via l’appli … et quelques soucis de jeunesse, semble-t-il :   En fait, j'avais 2 contrats et les employés de Luko ne regardaient pas le bon contrat .... Ils se sont seulement rendu compte de leur erreur au bout de 2 ans !!! ».

  • Identifier les irritants / Synthèse de la Table Ronde du 19 octobre 2022

     cactus_ipatkxx1.pngParticipants :

    • Maïta DESPLANQUES, Unité Data, Engagement, Marketing & Stratégie – ALLIANZ
    • Sébastien POIBLANC, Directeur Opérations Expérience Client – MACIF
    • Ralph RUIMY, Fondateur – ACHEEL
    • Denis THAEDER, Chief Mission Officer – WAKAM

     La détection des irritants : Les participants à cette table ronde pratiquent le recueil quasi-systématique des avis des clients. Le dispositif de collecte prévoit une enquête de satisfaction pour chaque entrée en contact avec la compagnie. Chez Allianz, lorsque la note est comprise entre 1 et 3 sur 5, le client est systématiquement rappelé dans les 24h et le problème résolu sous 48h. Ce processus est automatisé jusqu’à la phase de résolution où le collaborateur prend la main. La navigation sur le site laisse aussi la possibilité de laisser un avis qui fait l’objet d’un traitement différencié en fonction des moments-clés. Une détection est mise en place pour les dossiers de sinistres susceptibles d’être problématiques car passant par plusieurs interlocuteurs internes.

    A la Macif, la résolution des problèmes survenus est davantage silotée et traitée canal par canal. Elle procède à l’amélioration des étapes du parcours client tout au long de ses phases.

    Généralement, les taux de réponses aux enquêtes s’échelonnent de 10 à 12 % pour les contacts distanciels jusqu’à 25% pour les sinistres !

    Le contexte est différent lorsque l’on s’adresse à une Insurtech comme Acheel où 70% de la souscription se fait en ligne, sans usage du téléphone et sans papier. Seul le Chat est utilisé.

    Néanmoins le Chatbot est en usage pour la gestion des sinistres. A noter que 10% des équipes sont dédiées au Service Client.

    Wakam a un positionnement original car se voulant à la fois « entreprise à mission » et exerçant en B2B, c’est-à-dire via des courtiers, des insurtechs et des « non-professionnels de l’assurance ». Ses combats à mener (9 engagements) ont été inscrits dans ses statuts. L’enjeu est d’embarquer les partenaires dans l’effort de transformation de l’assurance et les engagements sociétaux. Pour ce faire, la compagnie teste les différentes façons de gérer la relation client et développe les meilleures pratiques auprès des partenaires distributeurs en mesurant les effets.

    Les sources d’irritants : pour la Macif, les deux principales causes d’irritant concernent l’accessibilité (le téléphone) et la gestion du sinistre (visibilité sur l’avancement, délais). En matière de sinistre, la question de la facilité de la déclaration est réglée depuis longtemps. Néanmoins reste à embarquer l’expertise dans le processus d’amélioration. D’une façon générale, le décalage temporel entre le service vendu lors de la souscription et sa mise en œuvre est une réelle source de déception, les sociétaires ayant comme référence d’autres métiers comme l’achat et la livraison par Amazon. Mais comme l’assurance n’est pas un simple colis, des efforts sont à fournir en matière de pédagogie, mais aussi d’empathie comme dans le cas de Wakam qui ne gère en direct que des sinistres corporels.

    L’incompréhension est à la base de la défiance envers l’assureur. L’assuré ne comprend ni le contrat qui devrait être un mode d’emploi, ni les courriers qui lui sont adressés.

    Pour la jeune pousse Acheel, la principale cause d’irritation découle de la non-connaissance par l’assuré de ce qu’il a souscrit. A cette fin, la compagnie met à sa disposition lors de la souscription tous les choix possibles de garanties pour qu’il façonne lui-même son contrat. Ainsi, le risque de mauvaise surprise lors d’un sinistre est fortement réduit ; en tous cas si ce dernier est de bonne foi… Certes, le sinistre constitue un instant de vérité dans la relation assuré-assureur et son traitement doit être exemplaire comme pour les remboursements de frais de vétérinaire en 1 seconde. Néanmoins, l’exigence du client est avant tout d’obtenir une réponse rapide à sa demande, quand bien même celle-ci est négative.

    La capacité à utiliser Internet peut constituer une source d’insatisfaction, notamment lorsque des prospects hors-cible souhaitent bénéficier des tarifs d’Acheel mais pas traiter uniquement on-line…

    Le traitement des irritants : Un défi pour un assureur de la taille de la Macif (5,5 millions de sociétaires) est de concilier la gestion de masse et un sentiment d’individualisation du traitement. Ceci d’autant plus que les exigences envers une mutuelle sont plus fortes. A cet effet, la Relation Client de la mutuelle est certifiée (collaborateurs sur le sol français). Les occasions de contact ne sont pas si nombreuses ; il convient donc de ne pas les rater.

    Chez Allianz, les conseillers ont la capacité à présenter des excuses lors d’un traitement défaillant et d’offrir un cadeau. Cadeau qui récompense aussi les émetteurs d’avis positifs.

    La communication : elle reste le problème central de l’assurance. La plupart des textes, voire des discours sont incompréhensibles pour les clients. De là nait la défiance.

    C’est pour résoudre ce problème qu’Acheel a travaillé sur les explications du contrat et effectue un changement très rapide dès qu’une amélioration du texte peut être apportée.

    De son côté, Wakam prône la conception de contrats loyaux, transparents pour enrayer ce phénomène structurel que constituent les irritants. A cette fin, la lisibilité des contrats comme des communications fait l’objet d’un score de lisibilité (lisiscore).

    Il est essentiel de parler (enfin ?) le même langage que les clients.

    Si cette exigence est d’actualité, elle le sera encore plus avec les nouvelles générations qui aspirent à davantage de clarté, de compréhension, de transparence, mais aussi à des engagements au niveau sociétal.

    • Synthèse réalisée par Christian Parmentier, Président de Demain l’Assurance.