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  • L’assurance à l’épreuve de la crise. Quelles problématiques nouvelles pour les français ? Quelles réponses possibles ?

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    Xavier Charpentier

    Fondateur et dirigeant – Freethinking (Groupe Publicis)

    Quelle mission, quelle proposition de valeur, demain, pour l’assurance ? C’est la question qui se pose tous les jours davantage aux assureurs, à mesure non seulement que la société française se transforme, mais que l’offre bancassurrantielle elle-même évolue à grande vitesse, et que des chocs exogènes comme naturellement la crise du Covid – mais avant elle la crise des subprimes, et demain quelle nouvelle secousse ?- font irruption dans la vie de tous. Cette question, nous ne prétendons naturellement pas y répondre dans cette réflexion – ce serait une tâche qui excéderait nos forces ! Mais simplement, modestement, apporter quelques éléments de réflexion qui la remettent en perspective, et les éléments de contexte à notre sens incontournables pour envisager l’avenir et comprendre le présent.

     

    Le pouvoir d’anticiper des Français mis à rude épreuve.

    C’est sans conteste le premier élément de contexte à prendre en compte quand on pose la question de l’avenir de l’assurance en tant que service et même de concept, et celui du futur économique des assureurs en tant qu’entreprises. S’assurer, c’est en première analyse anticiper l’avenir, se prémunir, prévoir ce qui pourrait arriver, raisonner au conditionnel. Mais quand les difficultés du présent, d’un aujourd’hui qui à la différence de celui de Mallarmé n’est pas un « vierge, un vivace et un bel aujourd’hui » mais au contraire, pour une grande partie des Français et d’abord ceux des classes moyennes et populaires, un aujourd’hui plutôt terne, incertain et difficile, quelle place y-a-t-il encore pour demain ?

    Comment anticiper le risque de demain quand manque le nécessaire d’aujourd’hui ?

    Car c’est le premier constat à avoir en tête quand on pense « assurance » et donc mobilisation de moyens financiers réels pour gérer un risque hypothétique. Un mot pour résumer l’état d’esprit de ces 70 à 80% de Français qui forment les classes moyennes et modestes en 2020 : « se restrictionner ». Un mot un peu étrange – en réalité un mot qui n’existe pas mais qui a été forgé par un consommateur participant à une de nos études en 2016[1]. Un mot qui dit bien les deux idées qui guident au jour le jour, dans leur consommation mais plus largement dans leur mode de vie, des millions de Français : se restreindre, se contraindre, subir des restrictions. Quelques chiffres à avoir en tête pour donner une réalité objective à ce que l’on a longtemps considéré comme un simple « ressenti » : 4 Français sur 10 ne sont pas partis en vacances en 2019[2]. Et 8 millions d’entre eux sont en situation de précarité énergétique la même année[3]. C’est-à-dire avant même que la crise du coronavirus n’intervienne, avec son cortège de licenciements et de difficultés économiques à venir.

    Comment préparer son propre avenir quand on se sent comptable de celui de ses proches ?

    C’est le deuxième constat à avoir en tête, qui vient compléter le premier et en un sens, le durcir. Quand on est structurellement confronté à des difficultés de pouvoir d’achat en raison de revenus réels qui stagnent – pour certains les difficultés sur le pouvoir d’achat remontent à la crise des subprimes, en 2008-2009, pour d’autres – les plus de 45 ans – elle remonte même au passage à l’euro, en 1999… - il faut trouver des solutions pour résister. Et ces solutions sont, de plus en plus, collectives et familiales : elles s’appellent entraide, solidarité intergénérationnelle, dépannage entre grands-parents et petits-enfants ou entre parents retraités et enfants adultes au chômage, précaires ou disposant de faibles revenus. C’est même une notion nouvelle qui apparaît, quand ces solutions deviennent permanentes : celle de niveau de vie partagé – le niveau de vie supposément accessible aux plus abrités – par exemple, les retraités disposant d’une pension correcte – devient en réalité bien moins élevé qu’il n’y paraît, puisqu’une partie en est réservée à l’épargne de précaution pour les enfants ou les petits-enfants étudiants… 

    Comment résister à la tentation de l’autarcie quand le repli semble la seule solution ?

    Enfin, prendre en compte le réel des classes moyennes et populaires dans l’appréhension de ce que peut représenter pour eux l’idée de « s’assurer pour demain / gérer un risque au conditionnel », c’est regarder en face la tentation de plus en plus forte qui est la leur : celle de l’autarcie, de la vie en dehors des systèmes et contraintes institutionnelles dont le monde de l’assurance fait partie en France. Avoir son potager pour cultiver ses propres fruits et légumes (14 millions de jardins potagers en 2020...), se doter d’un récupérateur d’eau de pluie pour économiser sur une dépense pourtant peu élevée mais surtout se sentir autonome, pratiquer le troc avec ses voisins ou sur des plateformes en ligne… Toutes ces pratiques, cela fait plus de 10 ans que les consommateurs les partagent avec nous dans notre Observatoire des classes moyennes. Mais aujourd’hui, cette volonté d’échapper à un système – la société de consommation de leurs parents - qui leur paraît de plus en plus inaccessible, et de ce fait de moins en moins désirable, s’étend au monde du service et du financier : c’est le constat que nous faisons dans notre dernière interrogation[4]. Pendant les deux confinements de 2020, ils ont appris – ou plutôt, ils ont accéléré leur apprentissage… Ils considèrent que le banquier leur a très peu parlé pendant cette période. Et que ce n’est pas si grave : il faut apprendre à s’en passer. Idéalement, il faudrait pouvoir se débrouiller sans lui – c’est impossible bien sûr, mais le référentiel est là. Et l’assureur ?

     

    Les assureurs : une crise peut en cacher une autre…

    Cette crise qui est aujourd’hui un état permanent de la société française, à tout le moins pour ses classes moyennes et modestes, c’est à la fois une crise du pouvoir d’achat, une crise de confiance, et une crise de l’avenir. Elle constitue donc la toile de fond de la relation des Français aux marques et aux entreprises autant qu’elle détermine leur stratégie patrimoniale et assurantielle. Et elle confronte le monde assurantiel à quatre défis.

    Premier défi : la nouvelle culture de la consommation.

    Aspirer, de plus en plus, à se débrouiller seul, en dehors des circuits économiques « institutionnels » vus comme inaccessibles, rechercher l’autonomie quand ce n’est pas l’autarcie pour économiser toujours plus et en même temps protester, contester l’ordre établi, c’est se forger une nouvelle culture de la consommation. Une culture de la consommation dans laquelle le référentiel devient d’abord la « bonne affaire », puis le low cost, puis le discount, et à l’extrême, le gratuit. Un gratuit dont la culture est, on le sait, particulièrement ancrée chez les jeunes, nés avec le streaming et les plateformes servicielles à libre disposition… Comment imaginer payer au prix fort un service d’une importance critique, certes, mais par essence « au conditionnel » (même s’il est une obligation légale) quand j’ai été initié depuis mon plus jeune âge à la gratuité de ce que j’utilise tous les jours ? Et que je n’ai pas les moyens de faire le moindre écart dans ma consommation ?

    Deuxième défi : la perception encore figée des assureurs.

    Car, en dépit de leur travail et de leurs efforts en matière d’innovation et de service, c’est un fait : le monde assurantiel est encore victime d’une perception relativement immobile de la part des classes moyennes et populaires avec lesquelles nous travaillons. Comment les différencier ? Qu’apportent-ils de nouveau ? Qu’est-ce que cela changerait à ma vie, de choisir celui-là plutôt qu’un autre ? C’est encore trop souvent à ce type de post que nous sommes confrontés, quand nous les interrogeons sur cet univers : « Les assureurs se disent tous différents… mais au final tous proposent à peu près les mêmes choses… ». Que cela soit juste ou injuste n’y change rien : dans un monde - le leur - qui change à toute vitesse sous l’impulsion du digital, la pression d’une pandémie, la contrainte d’un pouvoir d’achat réduit, le monde de l’assurance bouge peu, à leurs yeux. Seuls les mutualistes semblent offrir une vision différente – sans qu’on sache toujours très bien à quelle réalité elle correspond, d’ailleurs.

    Troisième défi : l’irruption annoncée des « Néos » : néo-banques, néo-assureurs.

    Ce constat est si évident qu’il n’a pas à être développé… Sauf sur un point, malgré tout : les Revolut ou N26 qui étaient jusqu’à récemment prisés d’une partie restreinte de la population – jeune, urbaine, voyageuse, souvent diplômée – deviennent là aussi un référentiel pour tous, et rapidement. On en parle, y compris dans la classe moyenne. Demain, le même phénomène pour un Lemonade européen ?  Sans même parler d’un Google ou d’un Amazon quand ils seront présents... 

    Quatrième défi : l’émergence des nouveaux risques.

    Enfin, parler de crise de confiance et de crise de l’avenir, c’est parler de crise du risque, pour ces classes moyennes et modestes qui font l’immense majorité de la société française. Qui risque quoi, aujourd’hui ? Qu’est-ce que je risque, aujourd’hui, ici et maintenant ? Et donc, sur quoi dois-je m’assurer, de quoi dois-je me prémunir, que dois-je véritablement si ce n’est prévoir, du moins anticiper ? Un accident de voiture, si je conduis très peu et m’efforce de passer aux mobilités douces, est-ce une probabilité plus « réelle » qu’une catastrophe climatique qui me toucherait directement ? Le risque géopolitique qui pouvait sembler si lointain et abstrait il y a 20 ans, dois-je m’en préoccuper à l’heure des commémorations de Charlie Hebdo et du Bataclan – et si oui qui peut me proposer quoi ? Et le risque sanitaire ? Jamais je n’aurais imaginé vivre une pandémie « comme dans un film », et pourtant… Une assurance, dans le monde en partie impensable, au sens strict du terme, qui est le nôtre, ça sert à quoi ? Et comment la choisir ?

     

    Quels enjeux et quelles réponses pour les assureurs ?

    Face à ce contexte en bouleversement constant, à ces nouveaux défis, à ces nouvelles contraintes et ces nouvelles peurs qui pèsent sur le moral et impactent le comportement de ces catégories sociales centrales, quelle réponse possible de la part des assureurs ? Trois pistes de travail sont peut-être à explorer, à l’écoute des Français.

    D’abord, donner de la valeur à l’intégrité.

    Repenser le sens et la valeur de ce que l’assuré paye, pour anticiper un demain plus incertain que jamais, mais dans un présent plus incertain aussi que jamais. Qu’est-ce qu’un prix juste, qu’est-ce qu’une démarche d’assurance au plus juste, quand le comportement change à ce point que la mobilité devient presque nulle ? Assurer une automobile, ça veut dire quoi quand on télétravaille toute une année, ou presque, et qu’on ne part pas en vacances, ou à quelques dizaines de kilomètres ? Certains assureurs ont pris l’initiative de mettre le sujet sur la table en 2020, et d’en tirer les conséquences financières. Ce type de démarche d’intégrité ne passe pas inaperçue auprès des Français.

    Faire évoluer la notion de risque.

    Par définition, le risque c’est ce qui est gérable – quand il ne l’est plus du tout, quand il est impossible de lui apporter une réponse, ce n’est plus un risque que l’on gère mais un danger que l’on subit. Comment rendre gérable le risque climatique ? Le risque terroriste ? Le risque sanitaire ? Le risque numérique ? Calculer ce que peut représenter, pour un consommateur, le prix de l’anticipation d’un risque qu’il n’avait jamais encore pensé comme tel, c’est sans doute une équation difficile à résoudre, mais difficile à contourner, aussi. 

    Réapprendre à parler d’avenir.

    Enfin, même si l’avenir est de plus en plus incertain, il faut bien continuer d’en parler. Ne vivre qu’au présent de l’indicatif n’est pas assumable pour une immense majorité de Français – leur recherche d’autonomie voire d’autarcie, leurs efforts pour mettre en place des solidarités intergénérationnelles en sont la démonstration. Mais comment parler d’avenir sans le faire de façon soit lénifiante, soit anxiogène ? Sans repeindre la vie en rose, ni rajouter du gris sur du gris ? Un sujet de communication autant que de marketing. Mais essentiel, tant l’époque, dans sa rudesse, demande justement du tact.

     

    [1] Étude FreeThinking Déflation 2ème Génération, 2016.

    [2] Source IFOP

    [3] Source Observatoire National de la Précarité Énergétique.

    [4] Étude Freethinking #RetourChezSoi, novembre 2020. 150 Français rassemblés sur notre plateforme en ligne pendant 4 semaines, pendant le deuxième confinement.

  • La télémédecine, porte d’entrée vers la révolution numérique des services aux assurés

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    Alban Jarry

    Chief Digital and Transformation Officer

    Président Délégué de l’Ecole Polytechnique d’Assurances

    Début 2020, qui aurait pu imaginer que trois médecins généralistes sur quatre allaient mettre en place la téléconsultation au cours de l’épidémie de Covid-19 ! Et, d’après une étude de septembre 2020 pour le Ministère des solidarités et de la santé, « 1 sur 10 a déclaré avoir même réalisé plus de 25% de ses consultations par ce biais » ! En quelques mois, cette situation imprévue a révolutionné l’offre de santé et le positionnement de ses acteurs. Cette profession, qui était si attachée à la présence physique des malades pour les soigner, a basculé dans un monde numérique par la contrainte.

    Jamais une telle transformation n’aurait pu avoir lieu aussi vite dans ce domaine autrement. A l’image de l’utilisation de la télémédecine, le positionnement de l’assurance doit continuer d’évoluer très rapidement et faire preuve d’une capacité d’adaptation inouïe pour proposer des solutions à un besoin de transformation accéléré de la société.

    La transformation par la contrainte et l’urgence

    La contrainte est une formidable opportunité pour se moderniser. En effet, il y a quelques mois pouvait-on penser que le fait de se rendre dans la salle d’attente d’un médecin ou d’un hôpital allait devenir un acte si effrayant voire impossible et que pendant le confinement nombre de médecin refuseraient de maintenir des consultations physiques de leur patients ?

    En janvier 2020, d’après une étude Odoxa, seuls « 6% des Français et 13% des médecins avaient déjà expérimenté la téléconsultation ». Depuis il suffit de consulter la page des articles consacrés à la télémédecine de l’Argus de l’Assurance pour se rendre compte de l’ampleur prise par le sujet dans le monde de l’assurance. La transformation aura été brutale et aura poussé de nombreux acteurs à offrir des solutions innovantes et simplifiées pour faciliter la continuité des soins. Nouvelles portes d’entrées de la relation patient / médecin / assureur, ces plateformes constituent le point de contact qu’il va falloir maitriser et développer.

    Une ouverture vers de nouveaux services

    Facilitateurs de la prise de rendez-vous et du suivi de la relation, ces nouveaux portails seront dans 10 ans des points de convergence d’une multitude de services ajoutés pour les clients. Futures marketplaces des services de santé, le suivi de la relation et la prévention vont s’y développer de façon exponentielle et, pour les assureurs, ce sera l’occasion de développer de nouveaux partenariats de confiance avec les assurés. Grâce à des rapprochements entre les acteurs, la collecte et le partage des données seront facilités pour fournir aux utilisateurs des éléments de plus en plus variés et fiables. Le suivi médical va vivre une nouvelle révolution.

    A l’exemple de ce qui se passe pour la santé, et quel que soit le type d’assurance, la digitalisation va accélérer le besoin d’efficacité des services proposés par les assureurs à leurs clients. L’expérience client est de plus en plus impactante pour fidéliser et consolider cette relation de confiance qui s’est créée depuis des années.

    Et, en se rapprochant au plus près des besoins des clients, ces outils vont multiplier les interactions et la capacité à répondre de façon agile aux nouveaux besoins. L’assurance de demain va se vivre dans la proximité des connexions numériques et dans la réponse permanente au besoin de simplifier la relation.

  • L’assurance s’effacera-t-elle derrière son objet ?

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    Jean Pierre DANIEL
    Président - VIGIE
    Coauteur de La Sécurité sociale au cœur de la démocratie

     

    En un temps que les moins de 70 ans ne peuvent pas connaitre les sociétés d’assurance fabriquaient des contrats en fonction de considérations purement techniques et les remettaient à leurs réseaux de distribution, à l’époque uniquement des agents et des courtiers, et ceux-ci se chargeaient de les vendre. Ce n’était pas très grave puisque les produits étaient obligatoires ou s’adressaient à une clientèle aisée dans un univers non concurrentiel.

    En un temps que les moins de 60 ans connaissent les sociétés d’assurance ont senti la nécessité d’adapter leurs produits aux besoins des clients. Le marketing est entré dans l’assurance dans les années 70. Les sociétés d’assurance se sont alors rendu compte qu’elles étaient des commerçantes, paradoxalement d’ailleurs parce que des mutuelles que l’on appelait « sauvages » à l’époque leur prenaient des parts de marché.

    Depuis ces temps bien des progrès ont été accomplis. Les contrats dans leur version papier sont devenus beaucoup plus lisibles et les termes les plus abscons en ont été bannis. La généralisation de la publicité a fait que les garanties sont expliquées et, si l’assuré veut s’en donner la peine, il peut comprendre ce que le réseau commercial lui propose. La pression des organisations de consommateurs relayée par les pouvoirs publics, et aujourd’hui par Bruxelles, a largement participé à cet effort de simplification. Ces mêmes organisations de consommateurs ont contribué à la disparition de modes de rémunération qui poussaient certains vendeurs à recourir à des méthodes de vente qui s’apparentaient à de l’escroquerie légalement admise.

    Plus récemment, avec l’entrée des banques sur le marché de l’assurance dommages et grâce à la technologie, un très important effort de simplification des procédés de règlement des sinistres a été accompli. Longtemps, et bien après que les contrats aient été rendus lisibles, le règlement d’un sinistre même banal représentait pour l’assuré moyen une véritable « galère ». Les procédures, toujours écrites, étaient fastidieuses et tatillonnes, marquées par un juridisme inutile dans lequel les régleurs de sinistres se complaisaient. Aujourd’hui la très grande majorité des sinistres, qui sont souvent simples et de faibles montants, se règlent par téléphone dans des délais très courts.

    Et malgré tous ces progrès l’assurance reste mal aimée et n’est pas perçue comme une activité comme les autres. On ne voit que ses défaillances - les trains qui n’arrivent pas à l’heure - sans voir ni son rôle économique, ni son utilité sociale. Selon un récent sondage 55% des français se disent méfiants à l’égard de l’assurance et 3% des anglais seulement auraient totalement confiance dans leur assureur.

    Plutôt que de se lamenter face à ce constat, ne faut-il pas accepter l’idée que l’assurance ne sera jamais aimée et que personne n’aura jamais envie d’acheter de l’assurance. L’assurance dont l’achat renvoie à l’accident, à la maladie, à la dépendance est tout sauf un achat « coup de cœur ». En cette période où le concept de disruption est à la mode, n’est-il pas temps d’admettre que les efforts pour faire de l’assurance une activité comme une autre sont vains. N’est-il pas temps de réfléchir à cette contradiction : on a de plus en plus besoin d’assurance mais personne n’a envie d’en acheter, ni même d’en entendre parler.

    Les assurances affinitaires semblent défricher ce qui sera peut-être demain la distribution de l’assurance. Elles réussissent à vendre de l’assurance sans que le client ait le sentiment d’en acheter, en tous cas sans qu’il ait à faire une démarche spécifique. La Carte Neige, la location de voiture, la vente des séjours touristiques incorporent depuis longtemps de l’assurance dans leurs produits. Il en a été longtemps de même pour les prêts immobiliers, et la difficulté qu’il y a aujourd’hui pour tenter de dissocier prêt et assurance montre bien que l’emprunteur trouve une certaine commodité à cette inclusion.

    Il est vrai que cette approche ne concernerait aujourd’hui et demain que les produits de masse des particuliers. Pour les contrats des entreprises leur complexité même rend indispensable le rôle du conseiller. Il en va de même pour des produits de particuliers qui supposent un vrai conseil qu’il s’agisse des produits de placement ou de la couverture de risques spécifiques. Les garagistes essaient depuis longtemps de vendre l’assurance en même temps que la voiture. En France ils n‘y parviennent pas, mais chez nos voisins le système fonctionne. Il y a fort à parier qu’un constructeur trouvera un jour le modèle économique qui rendra, en France aussi le système viable. Les banques, quand elles s’efforcent avec succès de vendre la multirisque habitation en même temps que le crédit immobilier, sont dans la même logique. Sans parler, si l’on pense assurance affinitaire, à la vente des téléphones portables ou des crédits à la consommation qui comportent des garanties d’assurance de personnes.

    On objectera avec raison que si le client ne se rend pas compte qu’il achète de l’assurance, il ne saura pas ce qu’il achète. Mais peut-on croire sérieusement que les clients qui achètent un contrat auprès d’un intermédiaire physique lisent les documents qui leur sont remis ? Et que dire des souscriptions par Internet où le client se précipite pour cocher les cases d’acceptation, afin de terminer le plus vite possible le processus d’adhésion ? Il reviendra au régulateur de veiller, au-delà du respect de la seule législation comme il le fait déjà, à « l’honnêteté » des contrats vendus.

    Il restera aux assureurs, mais surtout aux start-ups qui gravitent autour d’eux, à trouver les supports qui permettront de faire coïncider la souscription indolore de l’assurance avec l’utilisation qu’en fait le client.