Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

- Page 2

  • Le secteur assurantiel est dans une transformation majeure depuis quelques années avec plusieurs éléments qui se conjuguent

    Brossard.jpgNelly Brossard

    Dirigeante dans l'assurance – dans différents types de structures : courtage, start-up, mutuelles – avec un fil rouge : le développement, l’innovation, le e-commerce, le digital, et le marketing.

    Au comité stratégique de plusieurs startup et actionnaire de plusieurs insurtech

    Membre du réseau d'experts insurtech / fintech de Blackfin

    Engagée pour la parité hommes/ femmes dans l'assurance et dans la Tech

    Site : nellybrossard.com

    LinkedIn : linkedin.com/in/nelly-brossard

    Twitter : @nelbro

     

    Des réglementations plus intenses, l’apparition de nouveaux risques liés à la technologie et des risques naturels liés aux changements et aléas climatiques et de nouveaux besoins et marchés (vieillissement de la population, chômage, dépendance, santé, protection des entrepreneurs…).

    L’évolution des comportements et attentes des consommateurs se traduisant par à la fois de nouvelles formes souhaitées d’assurance (assurance à l’usage, comportementale, multiplications des offres de niches…) et surtout une toute autre expérience et relation clients attendue pour répondre à ces évolutions. En effet, l’expérience client a pris une place de premier plan et chaque acteur doit proposer une excellente expérience durant tous ses contacts et interactions avec les clients pour répondre à ces attentes et que chacun vive une expérience unique.

    Par ailleurs, un besoin d’engagement fort, d’impact, de transparence, de confiance est vivement demandé aux entreprises d’assurance à la fois par les consommateurs et les collaborateurs. 

    Enfin, l’environnement concurrentiel s’est fortement intensifié – une concurrence devenue internationale – avec l’arrivée de nouveaux acteurs sur ce marché (insurtech, GAFA, BATX,…) et l’utilisation du digital et des technologies (data, Intelligence Artificielle, objets connectés, blockchain…) sur l’ensemble de la chaîne de valeur, et le développement des écosystèmes ouverts (les plateformes) et les évolutions fortes des systèmes d’informations (« APIsation » et le développement de l’« open insuring »).

    Au regard de ces éléments, le secteur de l’assurance doit donc impérativement faire évoluer en profondeur ses modèles, devenir réellement centré sur les clients avec des produits et services adaptés, simples, beaucoup plus transparents, et personnalisés. Il doit s’engager dans la croissance économique durable, et surtout, développer une relation de confiance plus que jamais nécessaire et attendue, et ce, d’autant plus avec cette crise sanitaire et économique que nous vivons actuellement. Celle-ci constitue un accélérateur de transformation à la fois pour les grands groupes, car elle a davantage mis en lumière certaines attentes très fortes des consommateurs et partenaires – proximité, digitalisation, transparence, préservation du pouvoir d’achat, qui doivent aller beaucoup plus vite, et aussi pour tous les acteurs sur ce marché.

    Pour répondre à ces enjeux et attentes majeurs, deux grandes voies d’évolution s’offrent pour les « assureurs  classiques / grands groupes » afin de se développer, trouver de nouveaux relais et créer de la valeur.

    La première voie est de choisir de s’intégrer aux plateformes existantes et aux nombreuses  plateformes à venir (mobilité, habitat, santé, bien-être…) pour concevoir et fournir les offres d’assurance adaptées et pouvoir s’intégrer directement dans les différents biens et services (avec une assurance embarquée) et / ou dans les parcours des consommateurs (e-commerce). Pour ce faire, l’ouverture et l’APIsation du système d’information et l’agilité pour mettre à disposition les offres avec ces plateformes, insurtech ou partenaires sont clés…

    La seconde voie est de décider d’aller bien au delà du rôle d’assureur actuel et du cœur de métier et de créer sa propre plateforme avec des partenaires et différents écosystèmes pour devenir un véritable « offreur de solutions et de services larges » vers les clients. Des services proposés dans le cadre d’une relation clients forte, de confiance, basée sur une connaissance clients et des interactions très fréquentes. Il s’agit de devenir l’interlocuteur et le lien privilégié du client durant toute sa vie pour lui proposer avec d’autres acteurs et partenaires des produits, des conseils et des services toujours parfaitement adaptés à ses besoins et personnalisés. Cela nécessite de considérer le parcours du client dans son ensemble et d’être toujours le point de contact privilégié de l’assuré et de devenir de vrais partenaires et alliés du quotidien, et de toujours être en mesure de lui apporter une solution… Ma conviction est que cette seconde voie est vertueuse et constitue pleinement le rôle de l’assureur.

    Une nouvelle ère s’ouvre pour l’assurance, plus ouverte, avec des services élargis, une relation plus forte, plus digitale et plus humaine et fortement engagée dans la croissance économique durable.

  • Pour quoi aller au bureau ? Ou la règle des trois unités revisitée au temps du télétravail

    Girard.jpg

     

     

    Norbert Girard

    Secrétaire général

    Observatoire de l'Evolution des Métiers de l'Assurance

    Le confinement dans lequel s'est trouvé plongée la majorité de l'humanité au printemps dernier a très vite révélé que la crise sanitaire à laquelle il venait en réponse aurait parallèlement de lourdes conséquences économiques. Pour tenter d'en limiter les effets néfastes, le recours au télétravail a ainsi été décuplé dans de nombreuses activités. Mais en fait, c'est notre façon de penser le travail, c'est-à-dire de concevoir comment produire les biens et les services qu'attend la société, qui est fondamentalement remise en question.

    Comment envisager le travail à distance, la gestion de projets, l'animation des équipes ? Comment concilier productivité et convivialité ? Contrôle ou vigilance : quelle place pour la confiance dans les relations ? Sur fond de révolution digitale/numérique, ce ne sont là que quelques questions – néanmoins fondamentales – auxquelles l'ère servicielle qui s'ouvre aura à répondre.

    « Qu'en un lieu, en un jour, un seul fait accompli
    « Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli ».

    En deux alexandrins, Boileau formalisait ainsi la règle des trois unités qui s'appliquait alors aux pièces de théâtre (in Art poétique, 1674). Si nous ne sommes plus au Grand Siècle, on ne manque toutefois pas de faire un parallèle avec notre représentation classique du travail.

    Ainsi, le premier précepte posé se retrouve dans l'existence d'un lieu de travail distinct. Culturellement, le principe admis est celui du cloisonnement de l'espace professionnel afin d'éviter toute confusion – au sens originel du mot – avec celui de la vie privée. Aussi n'est-ce sans doute pas un hasard si l'on veille tant à ne pas mélanger ces deux univers au motif principal de préserver l'équilibre entre vie privée et vie professionnelle. De fait, l'interpénétration de ces deux sphères est généralement considérée comme négative, a fortiori quand on est salarié (soit environ 90% de la population active en France). D'ailleurs, tout comme on « part en vacances », l'expression « aller au travail » témoigne bien de cette volonté de spécifier l'endroit dédié pour cette autre nature activité, lequel doit être obligatoirement différent de son lieu de vie ordinaire.

    La distinction des temporalités ou espace-temps est également très prégnante dans notre rapport traditionnel au travail. Le lieu où l'on se trouve détermine aussi le temps où l'on travaille. Par symétrie, on ne peut donc se situer sur son lieu de travail que pour produire…

    Enfin, l'unité d'action résulte conséquemment des deux points précédents. Dans cette trilogie d'unités, chacune est intrinsèquement cause et conséquence des deux autres : on ne conçoit pas l'activité professionnelle hors d'un même lieu et temps de travail… qui lui-même définit la nature de ce que nous devons accomplir… en fonction de là où nous nous situons… Cqfd.

    Le télétravail est-il soluble dans l'organisation scientifique du travail ?

    Dès lors, c'est sous forme de question qu'une première critique émerge à l'encontre de certains crédos de l'organisation scientifique du travail (OST) : est-ce travailler que d'échanger des informations autour de la machine à café ? Si la réponse est bien affirmative, l'idée sous-tendue par les contempteurs des Taylor, Fayol et autres Stakhanov est que l'efficacité de toute organisation repose pour une large part, voire en priorité, sur la qualité des relations interpersonnelles entre acteurs.

    Quelle que soit la qualité des circuits institutionnels, des ajustements, compléments, interprétations seront toujours nécessaires pour être efficace, sans parler d'efficience. Un bureau des méthodes ne peut garantir l'entièreté et la pertinence des normes et règles qui définiront la finalité de chaque métier et la représentation qu'il doit avoir de la « belle ouvrage ». L'engagement des collaborateurs dans une production collective se gagne surtout au travers des échanges informels qui nourrissent la vie des entités. C'est précisément cette proximité entre acteurs impliqués qui forge un esprit d'équipe mais en plus fortifie un intérêt partagé pour le travail bien fait et la bonne marche de l'entreprise. Et chacun sait, au final, que la meilleure équipe n'est pas forcément celle disposant du meilleur matériel ou constituée des meilleurs joueurs…

    Rapportées au contexte du télétravail, ces trois dimensions n'ont plus vocation à demeurer associées. Qu'il s'agisse d'agir seul, en binôme ou en groupe, elles réinterrogent notre rapport au travail et, plus profondément encore, la manière par laquelle nous envisageons de subvenir à notre existence. La question du sens à donner à nos actions, quelles qu'elles soient, resurgit alors avec encore plus de force. Pourquoi aller au bureau si l'on produit aussi bien, voire mieux et davantage depuis chez soi ? Pourquoi gaspiller du temps et de l'énergie dans des allers-retours domicile / travail si l'on peut ainsi économiser de la vie pour soi et pour les siens, tout en réduisant son impact sur la planète ?

    De l'expérimentation hésitante du télétravail à sa généralisation forcée.

    Bien que relativement peu déployé dans l'assurance, de manière récente et inégale selon les métiers et statuts, le télétravail n'est pourtant pas nouveau (Cf. ROMA 2018 et 2019 sur le site de l'OEMA). Ce qui a pu freiner sa diffusion jusqu'alors s'explique principalement, soit par la nature de ce qui est à produire, soit par le lieu d'usage ou de consommation de ce qui est produit, soit par un jugement de valeur négatif quant à la capacité de ce type d'organisation à satisfaire l'objet social de l'entreprise.

    Si cette distinction se comprend aisément dans les deux premières situations, il ressort pour le dernier motif que ce sont généralement les dirigeants et les managers de proximité qui ont été les plus réticents à sa généralisation : les premiers, faute souvent d'une intimité suffisante avec le terrain des métiers ; les seconds, faute souvent de confiance allouée à leur équipe et demeurant ancrés dans une représentation verticale de l'entreprise. Dans les deux cas, reconnaissons néanmoins qu'il est difficile de s'écarter de l'approche classique – qu'assène depuis plus d'un siècle toute « bonne » école de gestion – d'une organisation pyramidale dichotomisant conception et exécution.

    Le (télé)travail est-il toujours le même marqueur social ?

    S'il ne faut pas sous-estimer ou nier certaines problématiques contingentes à la période passée (équipement incomplet, garde d'enfants et / ou école à la maison, open space avec son conjoint, apprentissage de nouveaux outils et de façons de faire, connexion aléatoire…), le constat général est celui d'une hausse notable de la productivité. En créant les conditions d'une plus grande sérénité (absence de transports, souplesse d'articulation vie privée/professionnelle, autonomie…), le télétravail favorise la concentration et permet d'être plus performant dans une grande majorité de cas.

    Pour autant, si l'activité ou le métier exercé demeurent toujours un facteur premier d'identité sociale, force est d'admettre que les motifs qui nous poussent à nous rendre collectivement sur un même lieu de travail – en l'occurrence, le bureau – ne se limitent pas uniquement à produire.

    Durant la période de confinement que nous avons vécue, la privation de notre liberté de circuler a permis de rappeler – s'il en était besoin – notre instinct grégaire. Car ce n'est peut-être pas tant le fait de limiter nos déplacements que celui de ne pas être ensemble qui a posé le plus problème. Ainsi, les apéros en téléconférence, les rassemblements collectifs sur les balcons des immeubles ou sur les pas-de-porte des pavillons, l'utilisation inhabituellement décuplée des communications de toutes formes (appels vocaux ou en visio, SMS, MMS, chat et posts en tous genres...) témoignent de notre besoin essentiel d'être en lien et, par là même, de faire société.

    La confiance, carburant de l'action

    La complexité des choses et l’incertitude du futur freinent l'action ou empêchent d'agir. Il nous faut donc nécessairement avoir confiance dans une « référence » pour résoudre et dépasser une situation problématique : une organisation, une méthode, un standard, un collectif, une personne… Sans doute est-ce ce constat de notre incomplétude individuelle qui nous pousse vers les autres. Concrètement, seule la mutualisation de nos risques et de nos imperfections peut nous permettre de compenser nos propres limites et de dépasser nos capacités/possibilités. Chacun connaît l'adage : « Tout seul, on va plus vite ; ensemble, on va plus loin ».

    Si incontournable soit-elle, la confiance ne s'impose pas pour autant, a fortiori si l'on a la volonté l'ériger en mode de coordination / régulation du travail. Comme en mathématique ou en assurance, elle est une espérance dans l’avenir face à un risque que l’on sait mais dont la maîtrise est incomplète. Et bien que construite sur la durée par les preuves objectives du passé, elle n’est jamais acquise ad vitam aeternam et doit impérativement s’entretenir pour perdurer. Il y a une certaine forme d’abandon irraisonné à l’autre pour le futur…

    Depuis la nuit des temps, le dilemme est ainsi toujours le même : faut-il faire confiance ou non ? Et, si l’on accepte le pari, sous quelles conditions ?

    Contrôle et confiance s’excluent mutuellement !

    « La confiance n'exclut pas le contrôle… » aimait à répéter Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine.

    Combien de fois a-t-on effectivement entendu cette petite phrase pour justifier le regard plus ou moins paternaliste, ou carrément inquisiteur, porté sur notre travail. Sauf que l'on oublie qui en était l'auteur… ce qui est loin d'être neutre. Dans les modèles d'organisation autoritaires en effet, chaque action peut faire l'objet d'une critique exercée par l'hiérarque garant de l'ordre imposé. Dans cette logique verticale, il ne s'agit pas tant de rassurer l'individu sur la confiance qui lui est accordée, que de réaffirmer le pouvoir qu'il ne détient pas et, incidemment, sa position subalterne.

    Or, l'une des conséquences de cette posture systémique de défiance est qu'elle affaiblie voire annihile la possibilité de relations sereines et épanouies en générant une ambiance malsaine de suspicion. Certes, on peut être confiant dans sa manière personnelle d'appliquer la règle prescrite, le cadre procédural, le cahier des charges... Mais au-delà du respect de ce formalisme institué, est-on certain d'être jugé favorablement au plan des relations interpersonnelles que l'on entretient avec son manager, ses collègues, ses clients ? Est-on vraiment dans le contexte d'une relation de bonne intelligence qui, seule, peut favoriser la prise d'initiative ? Permet-on la dérogation à la règle générale pour s'adapter au cas particulier et engendrer la satisfaction de celui pour qui l'on agit ?

    Erigés en culture, cette surveillance latente et ce contrôle intégral finissent à terme par déresponsabiliser les individus, les équipes, la société toute entière. Comment en effet accepter de s'impliquer, de s'investir dans l'action en contournant – ou tout juste interprétant – la norme standard, si l'on n'est pas certain de l'autonomie réelle dont on dispose ? Pourquoi s'aventurer à prendre ce risque ? Pour quel bénéfice ?

    Manager par la confiance augmente le risque d'être plus performant…

    Agir en responsabilité exige de disposer d'un cadre de libre arbitre dans ses prises de décision. Quel que soit le résultat obtenu, bon ou mauvais, assumer ses décisions doit aussi conduire à en obtenir de la reconnaissance. Ce point est d'autant plus important à prendre en compte que l'engagement et la coopération sont aujourd'hui devenus les indispensables leviers de la performance. Lorsque la qualité perçue repose davantage sur la subjectivité de son destinataire que sur le strict respect d'un process, faire correctement son travail suppose de livrer une part de soi-même, et donc d'en obtenir de la gratitude.

    Si la confiance s'oppose par principe au contrôle, il ne s'agit pas pour autant de refuser tout cadre formel, toute règle ou procédure. Autonomie n'est pas liberté… et n'empêche ni l'autocontrôle ni la vigilance. Ainsi, manager par la confiance ne doit pas être considéré comme une forme de laxisme ou de refus d'assumer sa fonction d'encadrant. S'entendre préalablement sur les résultats attendus n'est donc pas contradictoire avec l'adoption d'une posture de bienveillance, quand la latitude d'action laissée au collaborateur a été clairement définie en amont. Là se situe la responsabilité du manager dans son (nouveau) rôle d'accompagnant : définir le champ d'autonomie allouée et fournir les moyens nécessaires à l'atteinte des objectifs mesurables que l'on s'est fixés ensemble.

    Passée sa phase d'expérimentation, il ressort que le télétravail souligne avec force l'importance d'instaurer un climat de confiance dans les relations. La distance géographique entre les personnes impose en contrepartie davantage de proximité, voire de complicité, pour conforter la place de l'humain au sein des collectifs. Certes, ce mode de fonctionnement demande un certain temps d'adaptation et d'apprentissage, tant du côté des équipes que des lignes managériales. Néanmoins, on peut raisonnablement faire le pari que cette voie, plébiscitée par une majorité de salariés, est celle qui conciliera au mieux les enjeux de mutation de notre modèle productif et les attentes sociétales qui s'expriment désormais à l'échelle de la planète.

  • L’assurance post Covid 19

    Parmentier.jpg

     

     

     

     

    Christian Parmentier

    Président, Demain l’assurance

    Cette pandémie, qui n’a pas dit son dernier mot, aura pour effet, aux dires de nombreux commentateurs, d’accélérer fortement les évolutions en cours. On entend plus que jamais beaucoup de discours sur les thèmes « à la mode » et/ou favorables au business des cabinets de consultants.

    Il faut bien sur prendre un peu de recul par rapport à ces projections et surtout ne pas perdre de vue que cette crise aura exacerbé la nécessité de retour aux fondamentaux ; c’est-à-dire les prix pour les consommateurs les plus touchés par la crise et la rentabilité pour les entreprises. C’est dans ce contexte que je pense qu’il faut maîtriser son enthousiasme pour la réalisation de projets  comme l’entreprise à mission, la RSE, l’inclusion, le tout-digital – notamment. Sans doute des progrès seront accomplis mais –selon moi – à condition de modifier en profondeur certaines pratiques assurantielles. C’est dans cet esprit que j’ai rédigé ces quelques pages qui pourront paraître à certains (comme souvent) à contre-courant du politiquement correct.

    L’assurance peut-elle suppléer l’etat ?

    Nous avons la sensation aujourd’hui de vivre dans un monde de catastrophes à propos duquel les médias ne se privent pas de noircir le tableau et de nous promettre le pire.

    Changements climatiques et son cortège  de fléaux : innondations et submersions, sécheresse, tempêtes, affaissements de terrains,… ; séïsmes, pollution ; immigration non maîtrisée ; émeutes ; pandémies,…

    C’est sans doute oublier que, pour notre région du monde, l’histoire a montré bien pire : guerres, famines, crises économiques, pandémies (de la peste à la grippe espagnole).

    Toujours est-il que l’Etat se voit obligé d’intervenir à chaque événement d’ampleur.

    Il en profite pour demander aux grandes institutions financières une contribution : fonds de solidarité, PGE pour les banques. Mais à quel titre ? Celui de la-dite Solidarité Nationale ? Rappelons tout de même que quasiment plus aucun de ces établissements n’est nationalisé ; ce qui était parfaitement admissible – comme la souscription quasi-obligatoire des emprunts d’Etats – avant les années 90, ne l’est plus autant en 2020.

    Ce terme Solidarité est aujourd’hui mis à toutes les sauces. Il faudrait rappeler que la solidarité est le fait de s’obliger mutuellement : je participe à une aide pour des citoyens malchanceux car, en contrepartie, s’il m’arrive la même mésaventure, je serai aidé. Comme nous le rappelait André Conte-Sponville lors d’une conférence du LAB, l’assurance est la forme aboutie de la solidarité.

    Bien souvent, ce que l’on nous prélève par les impôts et les cotisations sociales n’ont pas de contrepartie. Alors comment appeler cela ? Don, charité, spoliation,… ?

    Si l’Etat peine à gérer les cataclysmes, pourquoi ne pas en confier la responsabilité aux assureurs ? Une tentive avait déjà été faite par le passé quand Claude Bébéar proposait de gérer la Sécurité Sociale…

    Les CATNAT sont une bonne illustration de ce qui est possible de mettre en place. Mais, attention, la répétition des événements et l’augmentation de leur gravité sont telles que le système assurantiel ne peut les prendre en charge sans mettre en péril sa solvabilité qui, par ailleurs, est fortement encadrée, même si l’Autorité de Contrôle se montre moins pointilleuse en ce moment.

    Le modèle économique de l’assurance repose sur un engament précis (le contrat) dont le coût est évalué (plus ou moins) scientifiquement sur le principe de la répartition. Ce modèle implique une connaissance des risques et leur sélection. L’absence de sélection a toujours conduit au désastre.

    En revanche, le système des CATNAT exclut la sélection. Cela veut-il dire que pour prendre en charge ce type de dommages, l’assurance doit être obligatoire ? Certaines ne devraient-elles pas l’être, à  l’exemple de la Grêle contre laquelle peu d’exploitations sont assurées, mais dès qu’un orage survient, les exploitants en appellent à l’Etat.

    Comme il est difficile d’imaginer que dans le futur, l’Assurance puisse être totalement écartée des catastrophes, un modèle serait sans doute à imaginer avec l’Etat en définissant précisément le rôle de chacun. Malheureusement, il faut toujours une crise majeure(et des milliers de victimes…) pour que les choses avancent, tel le projet actuel de CATEX (surtout, ne pas mettre de « s » au milieu du mot) mené par la FFA pour protéger les commerces frappés de fermeture administrative pour cause de pandémie !

    L’assurance peut-elle être full digital ?

    L’accord est quasiment unanime sur le fait que la pandémie va accroître la digitalisation.

    Cette tendance, déjà observée depuis plusieurs années, va donc s’accélérer fortement du fait des confinements successifs. Cependant, des différences existent selon les secteurs d’activité. Il y a, bien sur, les activités ne pouvant par nature être dématérialisées : artisans, HCR,… Et puis, il y a celles qui le sont déjà largement comme la Banque.

    Quant à l’Assurance, si certains processus sont de plus en plus digitalisés, la souscription full Web reste encore marginale. En fait, elle concerne aujourd’hui essentiellement des produits banalisés et des produits accessoires correspondant à des besoins secondaires (smartphones, trottinettes, etc.).

    Pour avoir testé - et même souscrit – moi-même en ligne des contrats majeurs (Auto, MRH, Prévoyance), j’ai pu constater que ce mode de distribution présentait des risques certains pour le client :

    • moins il y a de questions posées, moins le risque est cerné,
    • les conditions générales restent équivalentes à celles des contrats vendus traditionnellement (volume, texte juridique, exclusions, obligations,…),
    • les CG sont adressées sous forme numérisée ce qui rend leur consultation difficile (60 pages en PdF…),
    • des clauses-types et des déclarations sont intégrées dans les documents signés sans attirer l’attention sur leur importance,
    • la rédaction des questionnaires rend souvent les réponses difficiles, voire impossible. Afin de poursuivre la souscription le client est contraint d’opter pour une réponse proposée ; ce qui peut constituer une fausse déclaration à terme.

    Quant aux chatbots, ils comprennent rarement ce que l’on exprime et renvoient vers un service client qui ne répond pas au téléphone.

    Ce ne sont là que quelques exemples constatés.

    Si la possibilité de souscription en ligne est un plus incontestable, elle doit néanmoins faire en sorte  que le client soit réellement protégé. Et ce n’est pas avec les contrats que l’on trouve généralement en ligne qu’il l’est. Le fantasme de souscrire en 3 clics un contrat d’une certaine importance (ex. assurer sa résidence secondaire ou sa famille) pourrait devenir réalité pourvu que :

    • les contrats soient expurgés des pièges que l’assuré découvre au jours du sinistre,
    • les événements assurés soient non seulement clairement exposés mais très larges pour éviter les trous de garantie ; de même la façon d’indemniser,
    • -plutôt que faire signer des déclarations pré-imprimées, faire exposer l’usage/la situation par le client : l’I.A. est l’outil qui le permet,
    • transformer les innombrables pages de garanties et restrictions en formule TOUT SAUF.

    C’est à ces conditions que la souscription digitale pourra vraiment protéger le client.

    L’assurance peut-elle être soutenable ?

    Le phénomène RSE est à la mode, ce n’est rien de le dire ! Quelques entreprises ont même conduit le processus à son terme : devenir une entreprise à mission.

    Des économistes ont opposé à cette démarche que l’objet d’une entreprise est de satisfaire ses clients, rémunérer ses actionnaires et éventuellement de bien traiter ses salariés ; mais en aucun cas de sauver la planète… (c’est la règlementation qui doit gérer cet aspect).

    Concernant l’activité d’assurance, il semble n’y avoir que du positif à intégrer des valeurs de RSE dans le fonctionnement (respect des clients, des salariés et prestataires, de l’environnement,…).

    Cependant, la mission première de l‘assurance  étant de protéger leurs clients, certains assureurs d’entreprises peuvent se trouver confrontées à des dilemmes.

    On n’évoquera pas à ce niveau la stratégie  d’investissement assez facile à rendre compatible avec la RSE (ex. ne plus investir dans les activités charbonnières). En revanche, en matière de garantie, le sujet devient moins évident :

    • les entreprises susceptibles de part leur activité de provoquer des dommages de pollution ne vont-elles plus pouvoir s’assurer ?
    • le personnel de sociétés « jugées néfastes » à l’environnement n’aura-t-il plus accès à des garanties de Prévoyance ?

    N’est-ce pas le rôle de l’Assurance de pallier les désordres liés à une activité ?

    Bien entendu, il est difficile de cautionner les pollueurs caractérisés, mais cela est déjà écarté des contrats au titre de faute intentionnelle, faute lourde, absence d’aléa, etc. !

    Il y a fort à parier que les discours actuels sur le RSE se retrouveront bientôt dans le même placard que la TQM – Total Quality Management – des années 90

    L’assurance peut-elle être vraiment inclusive ?

    « L’Inclusion » est un mouvement de fond touchant tous les secteurs d’activité.

    Si l’on se réfère à Wikipédia : « Le concept d'inclusion sociale a été utilisé par Niklas Luhmann pour caractériser les rapports entre individus et systèmes sociaux. Il a réservé le terme d'intégration aux rapports entre systèmes. L'inclusion sociale est aussi considérée comme le contraire de l'exclusion sociale ».

    De nombreuses marques, surtout Grand Public, font des efforts pour s’adresser à tous, et c’est louable.

    Quid de l’Assurance ?

    Par nature, l’activité d’assurance exige de segmenter les risques – et cela passe notamment par les individus – et de les sélectionner afin de constituer des mutualités homogènes. Certaines sociétés, surtout des mutuelles affinitaires, ont statutairement limité leurs souscriptions à des catégories :

    • en général présentant des risques moindres comme les instituteurs, les fonctionnaires,
    • mais pas que : professions médicales (problème de la RC médicale en particulier), malussés, personnes à risque en santé,…

    A ma connaissance, aucune entreprise en France ne pratique de segmentation raciale ou ethnique comme j’ai pu le voir aux USA (le marketing ethnique est d’usage), en Allemagne vis-à-vis des turques, ainsi qu’aux Pays-Bas et en Belgique à l’égard des clients provenant du Magreb.

    Bien au contraire, l’Assurance française qui respecte scrupuleusement l’interdiction de toute discrimination, ne pratique plus de différenciation entre conducteurs mâles et conductrices. Au-delà des interdictions, nos assureurs abordent souvent la souscription sans distinction individuelle comme pour les assurances collectives d’entreprises.

    Mais accepter d’assurer tout le monde sans distinction reste contraire à l’esprit et la pratique assurantielle et  mène inéluctablement à de lourdes pertes. Entoria en en fait récemment l’expérience avec un produit destiné aux professions indépendantes sans sélection médicale !

    Cependant, on pourrait imaginer qu’un assureur affinitaire s’engage à accepter tous les membres de leur segment d’activité sans aucune exclusion. Ce serait là une démonstration plus éloquente d’entreprise à mission que d’aller chercher du développement vers un autre segment d’activité…

    L’assurance doit-elle être plus empathique ?

    On sait que le développement du digital comporte le risque de déshumaniser la relation-client.

    On dépense beaucoup d’énergie (et de budgets) pour fluidifier le fameux « parcours client ». Il est vrai que les process ne sont que rarement idéaux, ou fluides comme on aime à dire maintenant ; mais ce n’est pas vrai que pour l’assurance. Il suffit de se connecter à son compte-client d’Orange ou d’appeler la hotline pour s’en rendre compte.

    Si la digitalisation permet d’offrir un service 24/7 avec rapidité, l’intervention de l’Humain n’en est que plus cruciale lorsque cela est nécessaire.

    L’empathie doit s’exercer en « one-to-one », que ce soit sur une plateforme téléphonique ou en face-à-face. C’est par exemple  l’agent qui se déplace sur le lieu du sinistre dans l’instant où il en a connaissance, qui aide ses clients à trouver des solutions d’urgence, les rassure.

    Mais l’empathie doit aussi s’exercer au niveau global, et notamment dans la communication de l’entreprise.

    L’exemple du coronavirus est à cet égard éloquent.

    On retiendra notamment les annonces de la FFA quant à la contribution demandée par l’Etat : il lui a fallu beaucoup insister (menacer ?) pour obtenir des rallonges.

    On se souviendra aussi de la cacophonie des assureurs et bancassureurs quant aux gestes qu’ils faisaient pour leurs clients pas vraiment garantis.

    Enfin, on a suivi – et l’on suit toujours – le feuilleton mettant en scène AXA et ses clients restaurateurs : dans un cas on indemnise, dans l’autre non ; finalement cela se finit au tribunal qui tranche tantôt en faveur de l’un, tantôt en faveur de l’autre. Comment avoir confiance dans ce que l’on a souscrit ?

    Une chose est certaine : si la mission de l’Assurance est de protéger ses clients, il faut savoir, en cas de sinistre, les prendre en charge psychologiquement et matériellement en dépassant le strict cadre des clauses du contrat.