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Demain l'assurance - Page 9

  • Demain l’Insurtech : 3 questions à Annabelle Delestre

    Annabelle nb.jpgAnnabelle Delestre, Fondatrice & CEO de Lidix

    Après un parcours en asset-management puis assurance vie avec des responsabilités dans le domaine marketing digital et financier, Annabelle a créé Lidix, une insurtech dédiée à l’optimisation de l’expérience utilisateur en assurance-vie.

    Lidix est incubé au Swave et vient de recevoir le Label FinTech de Finance Innovation. Les premiers services de la plateforme Lidix sont dédiés à la gestion des bénéficiaires et commercialisés en marque blanche auprès des professionnels.

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    Demain l’assurance : La crise sanitaire a-t-elle réellement changé la donne, ou le business repartira as usual ?

    Annabelle Delestre : La crise sanitaire a créé une énorme perturbation sur le marché de l'assurance-vie. Parmi les éléments clés il existe des éléments communs au marché global de l’assurance et d’autres plus spécifiques liés au secteur.

    La collecte nette s’est écroulée en 2020 à −6,5 milliards d’euros contre + 21,9 milliards d’euros en 2019. En effet, la distribution provient majoritairement des bancassureurs et s’effectue (historiquement) en présentiel. Cependant cette décollecte historique n’est pas due aux retraits qui sont restés stables mais de la baisse considérable des versements alors même que l’épargne de précaution s’envolait.

    Parallèlement, les distributeurs en ligne ont connu une croissance exceptionnelle. La digitalisation des souscriptions / versements, traditionnellement faible dans le secteur (estimée à environ 5% avant la crise), a connu depuis la crise une accélération inédite.

    Comme dans beaucoup d’autres domaines il s’agit donc d’un effet de bascule et début 2021 la collecte nette est repassée dans le vert. Malgré la pression considérable sur les équipes informatiques, dues au passage brutal vers le télétravail et aux tensions liées à la cybersécurité, les acteurs traditionnels se sont ainsi engagés dans une évolution à marche forcée.

    A l’autre bout de la chaîne, du côté de la « gestion de sinistres », les habitudes ont aussi été bousculées et la transmission numérique de documents s’est accélérée dans un monde confiné. A titre d’exemple, la DGFIP autorise depuis janvier 2021 l’envoi dématérialisée (par mail) de la déclaration partielle de succession en assurance-vie (Cerfa 2705 A obligatoire en présence d’assurance-vie comportant des versements effectués après les 70 ans de l’assuré).

    Chez Lidix, nous avons pu constater que de nombreux acteurs travaillaient activement à transformer leur approche. Digitalisation de la relation avec les bénéficiaires, projets de gestion transversale des successions, recours à l’IA pour accélérer l’analyse des pièces justificatives … 

    Cependant s’agit-il d’une véritable transformation ? La question se pose dans un secteur confronté à une inflation réglementaire majeure ces dernières années et à un historique important en matière de stock de contrats et d’architecture IT.

    Pour atteindre une qualité optimale de l’expérience utilisateur, offrir un parcours fluide de bout en bout, il devient nécessaire de repenser les processus de façon transversale. Les enjeux sont donc technologiques autant que liés à la culture d’entreprise. La prise de conscience a donc eu lieu, des étapes longtemps différées ont été franchies même si elles sont encore surtout concentrées sur des maillons tels que la signature électronique des contrats ou la RPA. Les efforts ciblent les briques essentielles pour maintenir le « business as usual », et constituent l’amorce d’une transformation plus profonde des processus et de l’expérience client. L’image du secteur, malmené par la crise sanitaire, a donc souffert et les enjeux stratégiques restent majeurs pour placer le client au centre et restaurer la rentabilité dans un contexte de taux très bas.

    Ainsi ce coup d’accélérateur pour la transformation digitale n’est pas nécessairement synonyme d’innovation de rupture. Nous constatons chez Lidix que la demande est beaucoup plus forte sur le segment de la gestion de sinistres que sur le volet anticipation / prévention. Pourtant le digital permet de repenser la relation bénéficiaire (par exemple mise à jour de la clause et/ ou des coordonnées bénéficiaires en selfcare).

    Demain l’assurance : Empathie et assurance : antinomiques ou complémentaires ?

    Annabelle Delestre : S’il est un maillon de la chaîne de valeur en assurance qui pâtit de la comparaison avec les standards du commerce électronique, c’est la gestion de sinistre. Il s’agit un des maillons clé du parcours où l’état émotionnel du client joue un rôle prépondérant. Or il connaît encore de nombreuses frictions et tandis que les pratiques ont beaucoup évolué en IARD et en santé (notamment avec le développement d’insurtechs « fullstack »), l’assurance-vie reste en retrait. La gestion des successions est encore majoritairement papier ou mail et peu d’acteurs proposent aux bénéficiaires en cas de décès un espace client digital. Comme les procédures juridiques et fiscales sont des plus complexes, « l’expérience héritier » s’avère souvent doublement douloureuse.

    Un des éléments clé concerne la transparence. Le manque de visibilité sur les pièces attendues et les étapes du parcours (« où en est mon dossier ? »). Or les attentes des consommateurs se sont renforcées, car ils sont désormais habitués aux alertes et notifications dans tous les autres secteurs du commerce en ligne. 

    Les organismes d’assurance sont largement orientés par la réglementation et beaucoup d’équipes sont sous tension. Le malentendu persiste ainsi entre le grand public, souvent persuadé que les assureurs veulent conserver les capitaux, et des assureurs soucieux de régler les prestations au plus vite, mais confrontés aux problèmes d’identification des bénéficiaires et de complétude des dossiers. Sur le fond il ne devrait donc pas y avoir d’opposition entre empathie et assurance : une proposition de service client incluant transparence, pédagogie et parcours digital optimisé permet d’accompagner les bénéficiaires tout en respectant les contraintes métier.

    Demain l’assurance : S’achemine-t-on vers des stratégies tout digitale ou le phygital trouvera-t-il toujours sa place ?

    Annabelle Delestre : Cette opposition n’est pas nécessairement pertinente mais elle est révélatrice de la qualité de service attendue par les consommateurs et des craintes liées aux avancées technologiques. L’automatisation fait redouter à la fois une robotisation déshumanisante de la relation client et une baisse des effectifs dédiés au service client. A titre de comparaison, si l’utilisation du virement dans le domaine bancaire est totalement digitalisée, le client reste sensible à la capacité de la banque à l’alerter en cas de fraude. C’est donc en cas de difficulté caractérisée que l’appui du service client sera jugé pertinent. De la même manière, le recours à la RPA, par exemple pour la vérification automatique des pièces lors d’une réclamation, va apporter une qualité et une rapidité d’exécution positive notamment pour accélérer le traitement de la demande.

    Cependant, en cas d’erreur sur l’efficacité de l’OCR, et l’impossibilité de résoudre le blocage en ligne, l’intervention du support client sera bienvenu.

    Clairement le modèle du phygital permet de valoriser le « conseiller augmenté », avec une utilisation de l’IA pour automatiser les tâches répétitives, accélérer les process et « libérer » les conseillers pour des interventions conseil à forte valeur ajoutée.

  • Demain l’Insurtech : question à Alexandre Laverdure

    Laverdure.jpgAlexandre Laverdure est un spécialiste numérique des solutions d’engagement client en Europe du Sud Chez Precisely EngageOne.

    En 2017, Alexandre est devenu secrétaire général de la FG2A, une fédération d’assurance, dont le but est d’améliorer la perception de l’assurance affinitaire sur le marché. Elle apporte des solutions innovantes à ses membres afin qu’ils puissent améliorer le parcours de chacun (clients, distributeurs, employés, etc.).

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    Demain l’assurance : Data & assurance : simple renouveau ou relais de croissance ?

    Alexandre Laverdure : Du côté de l’assuré, la demande est claire. Ils ne veulent plus être considérés comme un numéro de dossier, mais bien comme un client à part entière. De nombreuses assurances ont déjà mis des démarches en place, mais quand vous avez de nombreux systèmes d’informations différents en fonction des produits vendus, il n’est pas toujours évident d’avoir une vue exhaustive du profil de chaque client.

    Jusqu’à récemment c’était l’agent ou le courtier qui devait tenir ce rôle ! Mais l’assuré avait-il toutes ses assurances au travers d’un seul agent ? Par exemple, si vous aviez des besoins dans deux régions en France, il n’était pas rare qu’on vous demande de passer par deux agents différents.

    Toutes les technologies derrière la connaissance client ou le KYC ont justement pour but d’aider à regrouper ces informations. Une fois cela effectué, il faut penser à vérifier régulièrement la qualité de ces données et les mettre à jour. Le mieux ne serait-il pas de demander à l’assuré de pouvoir le faire lui-même ? D’ailleurs, souvent il ne demande que cela, mais il voudrait pouvoir le faire dans un seul endroit. Par exemple, avec leur consentement, ils pourraient aussi vous fournir des données via l’open banking, et vous pourriez leur proposer des services associés en fonction de leurs achats.

    Pour le motiver c’est très simple. Il suffit de lui expliquer que grâce à ces informations mises à jour, son assurance va pouvoir communiquer avec lui de manière plus efficace et personnalisée.

    Les assurés sont aussi friands de conseils sur mesure. Pour pouvoir y répondre, les assurances ont-elles assez de connaissances sur leurs clients ? Rien n’est moins sûr. Même si certaines applications, souvent liées à des assurances à la demande, ont commencé à proposer ce type de conseils, sur la conduite de votre véhicule par exemple.

    A nouveau, l’agent sait très bien nous proposer des conseils personnalisés. Mais ne pourrions-nous pas avoir une sorte d’agent virtuel, qui permettrait à chaque assuré de recevoir des conseils en fonction des produits dont il est déjà équipé, et de ses données personnelles ?

    Si vous lui expliquez pourquoi il a besoin de tel ou tel produit d’assurance, et comment il sera protégé de manière simple et efficace grâce à une connaissance plus fine de ses besoins, je vous assure que chaque assuré pourra réfléchir à prendre des options complémentaires, ou acquérir de nouvelles couvertures.

  • La sante n’a pas de prix

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    Stéphane Gaudu

    Directeur Général – Identités Mutuelle

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    « La santé n'a pas de prix. Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies. Quoiqu'il en coûte » a déclaré Emmanuel Macron. 

    Quand les politiques se laissent aller ou comme disait Alphonse Allais : « Une fois qu’on a passé les bornes, il n’y a plus de limites »…

    Certains lecteurs avisés ont en mémoire les alinéas 10 et 11 du préambule de la Constitution : « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à son développement » ainsi que : « La Nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs… ». Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler, a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence.

    Ces mêmes lecteurs constateront donc que notre Président de la République, garant de la Constitution, la met bien en œuvre… mais aussi que ce préambule est pour le moins généreux en terme d’engagement.

    Ce préambule reste toutefois prudent car il s’engage à protéger la santé du citoyen (ce qui est déjà un vrai challenge) mais pas à lui sauver la vie…

    La pandémie de COVID 19 que nous connaissons actuellement, donne l’occasion à notre pouvoir exécutif de faire preuve d’ambition…

    Mais disons-le aussi d’une générosité assez peu constitutionnelle…

    En effet la recherche d’équilibre entre finance et santé publique est prévue depuis 2008 et l’article 34 de la Constitution qui stipule que les lois de programmation des finances publiques « s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ».

     

    Des « spécialistes » ont tenté d’évaluer le prix de la vie…

    Pour déterminer le prix de la vie, deux méthodes. La première consiste à estimer la perte subie par la société à cause du décès d'un individu. Une fois mort, un individu ne travaille plus et ne consomme plus. Il ne crée donc plus de richesses pour la société.

    Deuxième option, utilisée plus souvent car jugée moins mercantile : partir de la somme que les citoyens sont prêts à payer pour réduire leur risque de décès. « Par exemple, une personne qui prend sa voiture tous les matins découvre qu'un airbag à 100 euros lui permettrait de réduire ses risques de mourir de 4 chances sur 100 000. (Grâce de savants calculs dont je vous ferai grâce), on estime que la vie de cet homme vaut 2,5 millions d'euros », explique un article de Luc Baumstark (Commissariat Général à l’investissement) sur le sujet.

    Mais ne rentrons pas dans ces débats comptables.

     

    Il s’agit de fait d’un débat de fond, d’un vrai choix positif de société.

     « Une chose n'a pas une valeur parce qu'elle coûte, comme on le suppose, mais elle coûte parce qu'elle a une valeur. » Etienne de Condillac (philosophe et économiste)

    Constitution, Gouvernement, collèges d’experts… Est-il raisonnable de déléguer ainsi à une organisation quelle qu’elle soit ce que l’on a de plus cher (sa vie donc…) ?

    Chacun n’est-il pas responsable de sa personne ? Cette responsabilité est-elle délégable ?

    Toutes les aides et les concours les plus divers sont les bienvenus, de l’état, aux associations, des collectivités aux acteurs que nous sommes, assureurs et mutuelles compris. Mais créer un état de dépendance chez  les citoyens, même avec les meilleures intentions du monde, en leur faisant oublier leur propre responsabilité dans le maintien de leur santé via le choix d’une bonne alimentation, la pratique d’un peu de sport, par exemple , n’est pas le meilleur service à leur rendre.

     

    Alors en tant que mutualiste que faire ?

    Nos ambitions de mutualistes sont modestes…

    Conscients du prix de la santé et de l’écart grandissant entre les besoins et les moyens, nous faisons en sorte de favoriser l’accès aux soins pour tous.

    Les moyens aussi sophistiqués soient-ils ne font pas à eux seuls un marché, dans les domaines de la santé nos produits et services doivent accompagner les progrès médicaux.

    Le concept vulgarisé par Steve jobs « du Champ de distorsion de la réalité » n’est pas notre modèle… Essayant de rendre indispensable un service ou un produit parfaitement inutile…

    Mais le marketing utile à notre démarche n’est-il pas avant tout le marketing du vivant ? Si l’on devait trouver dans l’art le symbole d’une démarche mêlant vie et technologie, ce pourrait être la casa Batllo à Barcelone, ou l’architecture est au service de la nature.

    N’étant pas un spécialiste, je ne m’aventurerai pas dans un champ théorique qui m’échapperait rapidement… J’évoque un ressenti et l’observation d’un terrain…

     

    Y-aura-t-il un monde nouveau après cette crise inédite ?

    Des évolutions de comportements sans doute, mais les besoins fondamentaux de chacun demeureront…

    Ainsi nos adhérents ne nous demandent pas d’investir des budgets conséquents en Recherche et Développement, ils nous demandent d’être présents quand ils en ont besoin, là où ils en ont besoin, pandémie ou pas…

    Notre propos n’est pas d’être les premiers à envoyer un adhérent sur Mars mais d’être les premiers à lui permettre de se soigner tout en lui rappelant que la première condition d’une bonne santé c’est son comportement au quotidien.

    C’est en cela que le modèle mutualiste de proximité est pertinent et que ce modèle n’a pas besoin d’envergure internationale ou de vision 4.0, il a besoin de vivre, au plus près, avec bienveillance et simplicité.

    Ceci n’empêche pas d’innover quand l’innovation a pour but de s’adapter aux évolutions médicales, de réduire les coûts tout en améliorant les services, en les rendant encore plus simples et plus accessibles.

    Si cet objectif peut paraître moins enthousiasmant que la conquête de l’espace il n’en est pas moins utile et au final n’est-ce pas là l’essentiel ?

    Alors soyons ambitieux dans nos valeurs et toujours présents pour nos adhérents quoi qu’il en coûte ?

     

    P.S : Au moment de conclure cette chronique, un article d’Elsa Conesa dans Le Monde retient mon attention … extraits de déclarations de conseillers de l’exécutif : « Conçu comme un traitement de choc face à une guerre qu’on imaginait de courte durée, le "quoi qu’il en coûte" s’est installé dans le paysage comme un acquis indiscutable face au risque sanitaire. Cette formule repose implicitement sur l’idée que défendre la vie vaut tous les sacrifices (Christian Gollier) Mais cette idée s’est renversée après le premier confinement, l’exécutif a compris qu’il avait peut-être donné trop de valeur à la dimension sanitaire et pas assez aux conséquences économiques et sociales d’un confinement dur. Détruire l’économie cela créé aussi des drames humains »…

    La Vie est simple, évidente mais sa mise en équation est bien complexe…